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ment, quand je considère tout ce que nous avons enterré, tout ce que nous laissons de vivace moisir de gaieté de cœur dans une injuste sépulture, je me sens poursuivi d’une ardeur de résurrection, ou de réhabilitation, à remuer tous les cimetières de l’esprit. Si cette manie n’est pas de saison, elle est au moins de circonstance.

Je ne puis pas me figurer, malgré les complaisances du patriotisme, que nous possédions la plus belle et la plus riche des littératures. Il faut, pour l’affirmer, que l’amour-propre ressemble diablement à l’ignorance. Il est vrai que les autres peuples ne sont pas plus modestes, et que chacun prend ses guenilles pour des trésors ; mais ce n’est pas une excuse, et je tremble, quant à nous, que notre opulence ne soit un paradoxe. Ce qui n’en est pas un, c′est que nous sommes d’une fatuité plus dédaigneuse que si nous étions de véritables Crésus. C’est un langage légèrement téméraire que je vous tiens là, à vous, membre de l’Académie française, et l’un des gardiens de l’arche sainte. Hélas ! mon cher ami, vous y faites entrer bien des oiseaux, dans votre arche ; mais il en sort très peu de colombes. Je le répète donc à la barbe de votre diplôme : nous sommes, littérairement parlant ; d’un dandysme qui me révolte. Nous faisons sonner à tout propos quelques gros sous dans notre escarcelle, et nous trouvons les quadruples trop verts. Nous sommes d’une pruderie d’égalité, qui fait mal au cœur. Nous serions gens à tailler tous les arbres d’une forêt comme les ifs de Versailles, de peur qu’on ne les reconnût. Qu’il se présente un chêne ! nous l’échenillons, bon gré, mal gré, jusqu’à ce