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APOLOGIE DE L’HÉROÏDE.

LETTRE À M. A. GUIRAUD.


C’est aujourd’hui la Toussaint, mon cher Guiraud, et c’est demain le jour des Morts. J’en ai, comme tout le monde, plus d’un à regretter ; mais je n’y veux pas songer. Je me sens trop près de la poussière, pour gémir sur leurs cendres. Je ne suis pas d’ailleurs bien sûr d’être vivant, et je ne peux guère pleurer la veille de ma fête : ce ne serait pas convenable. Cette fête pourtant n’est pas brillante, et il nage autour de moi je ne sais quelle brume de mélancolie qui attriste ma plume. Les feuilles des arbres me rappellent, en tombant, que nos œuvres ont leur automne, et que nous ne voyons pas toujours le printemps qui les renouvelle. Et une réflexion qui m’afflige, c’est qu’il n’y a pas que les auteurs qui meurent et leurs livres qui périssent : le genre de nos ouvrages n’a pas plus de durée que nous-mêmes. Les cadres de la pensée sont transitoires comme les tableaux. L’intelligence a ses modes comme le corps, et la forme des habits s’en va comme celui qui les porte ou qui les taille. Si ce n’est pas toujours fâcheux, c’est quelquefois pénible. Vrai-