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RECETTE POUR FAIRE UN LIVRE.


Depuis qu’on cherche de nouvelles méthodes de faire un livre, et qu’un chacun démantibule son cerveau pour en extraire quelque nouveau procédé de composition, je m’étonne qu’on n’ait point encore imaginé une recette qui me paraît fort simple. À voir le plus grand nombre des lecteurs, on croirait que ce sont tous Hébreux : ils vous prennent un volume par la fin, et le parcourent religieusement de droite à gauche, au lieu de le feuilleter, comme faisaient leurs ancêtres, tout bonnement de gauche à droite. Pourquoi pas, dans le fait, réformer la lecture, comme Sganarelle réformait l’anatomie ? Ces sciences-là sont vieillies, et les yeux sont aussi fatigués de leur routine que le cœur doit être las de battre à la même place. Pourquoi ne pas écrire un roman comme on le lit d’habitude, en débutant par le dernier chapitre et en terminant par le premier ? Les curieux, qu’on n’aurait pas prévenus (et on ne préviendrait personne), commenceraient ainsi malgré eux par le commencement. Il est vrai que, excepté une multitude de choses qu’on ne saura jamais, tout finit par se savoir. Notre secret