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tout soit perdu pour l’univers entier ; au contraire, je nourris la pensée consolante, que quelqu’un lit ces longues lettres que j’écris au fond de mon âme, quoiqu’elles n’arrivent jamais jusqu’au papier. » Ces lettres-là, moi, je les coule en phrases, pour être plus sûr de mon fait ; et quand elles ne serviraient qu’à élever une voix de plus vers Dieu, à faire aimer la nature et la méditation, à montrer qu’on peut être, sans frais, assez heureux dans ce pauvre monde (car je suis fort heureux, quand je puis à mon aise débrider mes billevesées), je jurerais qu’elles sont bonnes, et que je n’ai pas perdu mon temps. Bonnes n’est peut-être pas le mot propre, c’est utiles qu’il faudrait lire : je souscris à l’errata ; mais je continue nonobstant à dire tout bas qu’elles sont bonnes. Je connais beaucoup de choses utiles qui ne valent rien, et beaucoup de gens aussi. Je ne suis pas aujourd’hui d’ailleurs en train de m’humilier. Tel que vous me lisez, j’ai mangé ce matin du Virgile à déjeuner :

Est Deus in nobis, agitante calescimus Illo.

Si ce vers est d’Ovide, c’est que le Virgile s’altère en passant par nos têtes modernes. L’important d’ailleurs, c’est que ce soit un vers latin, et malgré mon scepticisme habituel, je crois pouvoir soutenir qu’il n’est pas grec.

Ainsi finit le Champ de blé d’un antiquaire.
Priez Dieu pour l’esprit de l’auteur.