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Le temps marcha, changeant tout à mesure, suivant son habitude : élevant des coteaux et rasant des collines, perçant des chemins où il n’y en avait pas, jetant des moissons où il y avait des routes, sarclant les villes pour y planter des forêts, arrachant les forêts pour semer des maisons, bouleversant enfin la terre pour en renouveler la face. Les marées du sol montèrent, et engloutirent les habitations romaines, les colonnes, les statues, les temples, les obélisques, tous les plus hauts souvenirs des rois du monde. Les tombeaux même périrent, et celui de Faber disparut comme les autres, tout sanctifié qu’il était par ses reliques sacerdotales. Il fut enseveli sous une vague de sable ; enseveli, perdu, oublié comme le ministre de Cérès, et Cérès elle-même, et tous les dieux du paganisme. Quand les dieux meurent, comment se plaindre de n’être point immortel !

Quoique enterré, le sépulcre pontifical n’était cependant pas tout à fait dans le néant. Un laboureur (et c’était moi) le fit à l’improviste sortir de ses ténèbres et de l’oubli. Un jour, en immolant des vignes qui ne me rapportaient rien, pour y substituer quelques végétaux plus lucratifs, la pioche mit à nu le mausolée de mon ancêtre. Ce monument était d’une conservation parfaite, et bâti pour l’éternité, comme on le dit de tous les ouvrages romains dont il ne reste que des fragments. L’acte de naissance et de décès du propriétaire était parfaitement lisible sur la table de granit qui fermait ce petit édicule de briques. Comme héritier, je me crus permis de le démolir, pour y chercher mes titres de famille. Je n’y