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mon presbytère à chaperon d’ardoise, caché dans les arbres comme un nid. Il me semble qu’une petite sépulture gothique ne ferait pas mal sur ce coteau. Que si vous n’en êtes pas satisfaite, nous prendrons cette allée qui serpente dans la direction du levant, et nous descendrons à la source du Vieux-Moutier. Je vous demanderai seulement la permission de faire halte à mi-chemin sous ce hêtre colossal, probablement contemporain des premiers abbés du couvent. C’est à lui que je pensais lorsque j’ai écrit, il y a quelques années, ce morceau philosophique de la Bûche que vous m’avez fait l’amitié d’admirer, quand je vous l’ai lu, et que je publierai quelque jour, pour qu’on admire votre héroïsme. J’ai souvent eu l’idée de dormir sous son ombre, avec ou sans ma Bûche : me le conseillez-vous ? Si ce n’est pas encore là que doit être mon dernier gîte, ma dernière couchée, allons de suite à la source. C’est un de ces lieux, comme dit Shelley, préparé tout exprès pour la tombe d’un poète : si beau, qu’il rendrait amoureux de la mort. Que dites-vous de cette grotte qui s’enfonce sous une colline toute chargée de mélèzes, de ces gradins de rocailles qui vont baigner leurs marches dans la fontaine, de cette eau qui sort du fond de la caverne comme un grand serpent de cristal, dont le corps fluide ne fait pas de bruit en glissant sur le gravier ? Ne trouvez-vous pas qu’un chalet tumulaire serait bien placé au bord de ce ruisseau, symbole flottant de l’immortalité de l’âme, qui s’élance de sa prison pour s’ébattre à l’air pur du ciel, et réfléchir librement l’azur et les étoiles ? Ne croyez--