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Quand le soleil couchant, qui empourpre les nuages, rougit sa morne façade ; quand on ne l’aperçoit plus qu’à travers la gaze du crépuscule ou les vapeurs d’octobre, il se détache de ces voiles de brumes je ne sais quelle teinte rêveuse, qui rend à ce donjon chrétien son caractère claustral et taciturne. L’ombre qui les efface est le fard des ruines.

Oui, c’est surtout à l’automne, au déclin du jour et de l’année, qu’il faut visiter ce qui tombe. Il s’établit d’admirables accords de tristesse entre ces robustes édifices qui chancèlent et la lumière avare qui les éclaire, entre les feuilles qui s’en vont et les pierres vieillies qui se détachent des frises, entre le silence des oiseaux dans les ramées et le muet repos de ces salles, dont l’écho ne répond plus qu’aux caprices du vent, quand il se débat dans les cordons de viorne et de scolopendre qui descendent de l’ogive des croisées ou des portes. On dirait de quelque esprit invisible, qui vient gémir sur les pompes déchues d’un séjour qu’il avait cru sacré, et que le temps démolit pour nous prouver que tout est profane, ou, si vous l’aimez mieux, fragile. Les ruines ont aussi leur charme au printemps, pendant le jubilé des fleurs et des moissons qui poussent ; car les contrastes sont aussi des harmonies. Errant sous ces galeries désertes, il est doux d’écouter le roucoulement lointain des tourterelles, ou le cri deux fois répété du coucou dans les bois ; d’entendre, quand tout s’éveille, cliqueter goutte à goutte sur les dalles verdies l’eau qui suinte des arceaux, comme si ces pauvres voûtes pleuraient leur déshonneur ; il est doux d’y respirer le parfum des fleurs