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FREUD DE L’ALCHIMISTE À L’HYGIÉNISTE.

Lorsque son maître de philosophie eut révélé à M. Jourdain qu’il avait toujours parlé en prose, notre bourgeois gentilhomme, étourdi par la foule de ses intentions, ne sut comment s’y prendre pour dire à une femme qu’elle avait de beaux yeux et qu’il l’aimait ; cependant, bourgeois de Paris, il était de cette gent qui n’a jamais eu sa langue dans sa poche ; mais, parce qu’on lui avait dénoncé leurs mystères, il n’osait plus, ne savait plus se servir des mots et s’empêtrait dans les substantifs, verbes, épithètes, pronoms, adverbes, si gais à cueillir, à remuer tant qu’il les avait crus lisses comme pommes, souples comme draps.

Le désir de se rendre compte a toujours raison d’une quiétude parfaite parce qu’ignorante. Notre bourgeois gentilhomme n’était pas le premier qui l’apprît à ses dépens : ainsi Psyché, dit-on, perdit l’Amour pour l’avoir voulu connaître.

Aujourd’hui, ce n’est plus la perte de l’Amour qu’il faut craindre. Premièrement l’Amour se nomme vie sexuelle (Drieu La Rochelle a le mérite de l’avoir noté avant tout autre dans La Valise vide). Je dis l’Amour. Sans doute faudrait-il préciser, car la vie sexuelle est, à la vérité, l’ensemble des gestes par quoi se réalise l’Amour, l’Amour dont le nom désigne à la fois un Dieu, toute l’affectivité, beaucoup de littérature et trente-deux positions. Mais, au fait, que nous importe ? Je répète : aujourd’hui, l’on ne dit plus Amour mais