Page:Le Disque vert, année 1, n°1 et 2, mai-juin 1922.djvu/15

Cette page n’a pas encore été corrigée


— Affaire de goût. Je préfère un bonheur unique a des plaisirs sans unité. Alain ou Spinoza ; vous voyez bien que c’est une épreuve, mettes tout autre chose : je maintiens ma proposition.

— Mais je ne puis

— Ah bien ! Excuses-moi, vous ne pouvez choisir. J’avais compté sur un esprit téméraire, je ne vous savais pas tellement paresseux.

On ne célèbre parfaitement que ses ennemis. Quel poète a parlé de Dieu comme Verlaine ! Qui d’autre que Flaubert eût donné de la vie à Bouvard, à Pécuchet ? — Et voyez Claudel dessiner Thomas Pollock et Toussint Turelure.

On pense beaucoup de bien des hommes spontanés. Mais quoi ! refuse t-on que je raisonne mes gestes, que je me préméditer - « Il prend une attitude , cela se dit partout, j’y entends un éloge. — Car enfin Spinoza, Socrate, Monsieur Teste... (Je parle clairement, sans modestie, il ne faudrait pas m’en vouloir). Corrigeons donc, pour me faire plaisir : Je ne prends pas une attitude, prends mon attitude. Et ce n’est pas li simple : il fallait la trouver.

— Mais vos œuvres ? demandent les hommes.

Nos œuvres sont au milieu d’eux, notre titre de gloire est de leu : ressembler, notre vertu, de les aimer - et de les croire.

DU SOURIRE

Soyons sérieux. Tout est léger autour de nous, et les animaux même rient, dit Eluard.

Un peu de gravité facilite Pefiusion, le clin d’œil, l’amitié, le chant.

— Mais le sens de la légèreté n’est pas une acquisition simple. — Je compte que Gide l’a fort vif et plus que Montaigne, par exemple.

Le tout n’est pas de plaisanter, je veux sourire à bon escient ; voyez l’admirable « Protée » de Paul Claudel ; on dit aussi que la poésie y est bien cachée. — Bien cachée !

DE LA PERFECTION

La poésie est naturelle a l’homme et qui de nous ne l’a pas dit souvent ! Mais la force naît d’un obstacle et l’œuvre la plus bel e aura été la plus ardue - pour un écrivain, la plus étrangère à son génie. — J'aime rais expliquer par li la rareté des vrais ouvrages poétiques : il faut a ces travaux un courage peu commun (Paul Valery sait bien a quoi je pense) si on y veut voir autre chose qu’un exercice comme fit Mallarmé, dont les patiences sont si belles. Mais il se donne les problèmes bien spéciaux, je dirai plus faciles que ceux de Baudelaire.

Baudelaire est le seul poète qui ait fait son livre - et en vers.

Tout art vrai simplifie le monde. Je pense encore a la poésie. Il y faut sas : de raison pour discerner ce qui de la réalité, est a négliger dans un chant - asses de violence d’esprit (dites : vanité, dites : courage) pour oser réduire la nature a sa plus simple expression.

Les cubistes rendent a la peinture sa dignité. « Rien de trop », disent-ils. — Cette guitare ne représente pas une guitare, que m’importe !

— Il reste que telle figure de Picasso m’est plus strictement nécessaire que les fruits, la bouteille, la pipe qui en ont été l’occasion.

ODILON-JEAN PÉRIER.

Février-Avril 1922.