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qu’on croie d’elles ce qui n’est point, et c’est à mon avis le plus grand malheur qui puisse leur arriver. C’est pourquoi si j’étais à leur place et que je ne pusse ôter cette prévention de l’esprit du monde, je voudrais du moins qu’elle fût fondée, et je prendrais un plaisir qui ne me coûterait rien et dont il ne me saurait arriver pire. J’aurais outre cela l’avantage d’empêcher que beaucoup de personnes, par un faux et mauvais jugement, fussent damnées, car il n’y a que l’opinion qui fasse le mal.

— C’est vraiment bien raisonner, dit Fanchette, et si j’étais dans ce cas-là j’en ferais autant que vous pour éteindre la médisance ; mais le meilleur de tout cela, comme vous avez dit, c’est de se conduire avec tant de prudence qu’on n’en puisse rien savoir.

— Dame, oui, dit Suzanne, et cela n’est point malaisé, quand on a un ami qui est discret et qui ne se vante de rien, et lorsque tu seras un peu accoutumée à cette vie, tu auras un plaisir sans pareil ; quant au reste des filles, tu en verras cent à l’église, dans les rues, dans les campagnes, qui passeront pour vertueuses, desquelles tu te moqueras d’autant qu’elles n’auront garde de s’ima-


 LE DEGRÉ. TOME 2.
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