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Libre donc à ces pots, où ne vient aucune graine, de demeurer pots toute leur vie ; seulement libre à moi, dame ! de ne les pas imiter. Libre à moi d’admirer surtout, dans L’Immortel, la vraisemblance et la simplicité de l’action si intéressante, la longue portée, encore une fois, des indications sociales ; la continuelle mesure du ton ; le choix miraculeusement heureux, des documents mis en œuvre, comme l’affaire des faux autographes et la noyade d’Astier-Réhu… Libre à moi d’admirer tout cela, plutôt que le prétendu combat livré aux Rodilardus de l’Institut, à ces matois brouilleurs d’écheveau et de peloton, à culs-de-plomb récalcitrants d’une médiocrité durable, à tous les triste-à-pattes de ce perchoirs à ducs, si funèbrement rengorgés, dans leurs vanités de papier, sur cravates blanches ou palmes vertes ! Ces gens-là sont, pour la plupart, des « Immortels » par antiphrase ; et la seule gratitude, qu’on leur en gardera peut-être un jour, serait due au fait d’avoir fourni, à ce volume, la superbe ironie de son titre !

Et maintenant si quelqu’un des leurs, ou si quelque Critique, par C majuscule, lit cet article et rit de pitié, j’emprunterai pour une fois, afin de m’en faire mieux comprendre, leur argot suranné à ces conservateurs de la langue ou de la littérature française, et je dirai, comme le ridicule Astier-Réhu du livre « Riez, riez, messieurs les babouins ! La Postérité jugera… »

Louis-Pilate de Brinn’Gaubast


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NIRVANA

À Georges d’Espurbès.


Ton âme m’est visible ainsi que la lumière,
Et, comme elle, m’est chaude, et, comme elle, m’a pris
Dans sa caresse unique, où mes espoirs taris
On soif de retrouver la source coutumière.

Ton âme m’est très-douce, ainsi qu’une chaumière
De rêve, ouverte au vol errant des blancs esprits
Que les neiges du Rien si fatal ont surpris,
Un jour qu’ils essaimaient vers la candeur première.