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GAZETTE RIMÉE


Le Pétomane.


Or, un jour, d’homme un pauvre diable
Se trouvant d’hôte à une table
Fit un pet énorme, effroyable,

Mais là, vous savez, un pet tel
Qu’il ne semblait pas d’un mortel,
Et qu’il fit trembler tout l’hôtel,

Tant, qu’on eût dit ce pet d’ermite
L’explosion d’une marmite
De mélinite ou dynamite.

Notre homme alors de se baisser
Comme s’il voulait ramasser
Le pet qu’il venait de lancer.

Tandis les gens à se remettre
Dès qu’ils apprirent à connaître
D’où ce bruit avait bien pu naître,

Sous la table notre chinois
S’était tiré des pieds, sournois,
En tapipi, en tapinois,

Et comme un que le diable emporte
Il avait déjà franchi la porte
Se faisant plus plat qu’un cloporte.

Et dès le lendemain sur lui,
Tellement vite il avait fui,
Un autre soleil avait lui.

Il alla dans quelque autre Amérique
Ou autre pays chimérique
Promener son pet homérique.

« Vois la misère où tu me mets,
Ô honte ! ne plus voir jamais
Mon tant doux pays que j’aimais !

« — Disait-il – ma vie est cassée :
La chose, hélas ! s’étant passée
Devant ma chaste fiancée.

« Voudrait-elle me voir ? oh non !
Je suis sûr que déjà mon nom
Pour elle c’est Agamemnon… »