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LES COMPLICES


I

Un duel à Sarlat ? Oui, vraiment ! Le matin du 15 juin 1840, le duel avait eu lieu, au bout du faubourg, dans un pré. Et même c’était un duel sérieux, puisque l’un des champions s’en revint blessé.

Alors, sans doute, il s’agit de deux officiers animant les loisirs de la paix par un assaut à fleurets démouchetés ? Point du tout. Sarlat n’est pas ville de garnison. Les duellistes, dit-on, avaient pris querelle, la surveille, au café, à propos de leurs opinions politiques.

— Moi, répétait à qui voulait l’entendre le percepteur de Savignac, petit homme chétif, pelé, vieillot, moi, j’étais là, par hasard, ils m’ont pris pour témoin, et voici comment la chose s’est passée :

Bernier jouait au billard et fumait. Il portait un œillet rouge à sa boutonnière. Rouvenac est entré avec un œillet blanc à la sienne. En sentant l’odeur du tabac, il a fait : « Pouah ! » Puis, avant de s’asseoir, il a regardé les joueurs de billard.

« – Garçon ! de l’eau de rose à monsieur, » a grommelé Bernier.

Là-dessus, ils ont échangé leur premier coup d’oeil hostile.

Un moment après, Bernier a demandé le National et Rouvenac la Quotidienne. Alors… vous savez qu’ils ont tous deux la tête près du bonnet…

Et qu’ils se détestent ! Oui. Et cette petite discussion de café n’a pu être qu’une occasion cherchée pour motiver le duel.

Voilà quelle était l’opinion générale à Sarlat, le 15 juin au soir,