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où la vérité est une et l’erreur légion. Je vais donc opérer un élagage sévère, de même que pour maintenir un arbre en vigueur et fertilité on lui ôte tout ce qui ne lui sert plus.

Inutile de rappeler la légende du fils d’Éric le Rouge ni cette grappe chanaanesque, emportée par l’enfant de la Scandinavie. Ce document, qui avait chatouillé mon amour-propre national, me paraît manquer absolument de probabilité. Arrivons de suite à la période écoulée entre 1615 et 1800, où les Américains firent de vains efforts pour acclimater les vignes européennes. Vers 1800, ils entrèrent dans la voie dont nous recueillons aujourd’hui les bénéfices et s’adressèrent à la sélection des variétés indigènes pour capter une viticulture qui les fuyait sur les chemins battus du vieux monde. La colonie de Vevay avait d’abord apprivoisé le Skuylskill, un Labrusca, sous le nom de Cape, tandis qu’un peu plus tard un Français, Nicolas Herbemont, multipliait un pied, accidentellement en sa possession, auquel il donna son nom, et qui, après avoir été soupçonné de nationalité européenne, fut reconnu comme présentant tous les caractères d’une variété sauvage du Missouri. Ce plant est aujourd’hui un des plus beaux joyaux de notre viticulture ; de plus, il a fourni un ancêtre au Jacquez, le plant présentant l’adaptation la plus générale que nous possédions.

De 1800 à 1860, la viticulture américaine a lentement, mais très sciemment marché dans une voie sage et savante. Savante, parce qu’à défaut de tradition, découragé par ses efforts pour conquérir la vigne d’Europe, le Yankee, l’inventeur du time is money, s’était aperçu qu’on avançait beaucoup plus vite quand on savait où on allait, que quand on apprenait les routes à tâtons, en faisant mille pas inutiles. Aussi, appelèrent-ils les savants à leur aide. Autour de 1850 apparurent les meilleurs gains des ardents chercheurs d’espèces qui nous occupent : ce furent le Taylor, Riparia sélectionné par le juge Taylor, et le Norton’s Virginia trouvé par le docteur Norton et vulgarisé par un ardent et savant viticulteur, Longworth. Ce cépage, presque synonyme du Cynthiana, fait merveille paraît-il, dans la Drôme et la région environnante ; en Amérique, il représente la meilleure forme de l’Estivalis du Nord. C’est ici que se place une rechute onéreuse dans la voie européenne. Averti par le passé, on ne s’y lança d’abord qu’à moitié, en recherchant des hybrides entre les meilleures espèces des deux mondes ; mais combien cette planche devait être glissante, et combien trop elle pencha vers les beaux, gros et juteux raisins de France et d’Allemagne ? Aussi, en 1870, et même un peu avant, certaines variétés devenaient-elles subitement « délicates », et même on en venait à les greffer sur des variétés à racines plus rustiques, autre-