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fruit n’agit que comme miroir des feuilles et que c’est chez ces dernières qu’il faut poursuivre le crime et le criminel.

Après cette nouvelle digression, revenons aux différents congrès : le premier, qui a ouvert la nouvelle ère viticole a donc été celui de Beaune en 1869, c’est là, comme nous l’avons déjà vu, que M. Laliman a proposé la vigne américaine comme baume aux blessures qu’elle-même avait faites. Après ce congrès, c’est dans les réunions plus modestes, mais non moins actives, de la Société centrale d’agriculture de l’Hérault que l’étude s’est continuée de la façon la plus effective. C’est là qu’a été préparé le voyage d’études de M. Planchon en Amérique, en 1874, si fertile en résultats pratiques. Puis le congrès de Lyon, auquel je n’ai pas assisté ; mais, d’après les récits qui m’en ont été faits, il n’a pas eu une très grande portée pratique et je n’ai remarqué que deux choses ; la première, c’est que, dans cette région, le Vialla semble supérieur aux autres cépages, même au Riparia, puis un incident comique qui a marqué la fin de la réunion.

La salle était empruntée, moyennant bons deniers trébuchants, à la ménagerie ambulante Pezon, très connue des provinciaux. À la dernière séance, on fit quelques difficultés pour écouter M. Prosper de Lafitte, probablement parce que son pessimisme sans issue chatouille l’inquiétude sans la jamais calmer. Cette irritation et sa persistance habituelle retardèrent la conclusion de son discours, de sorte que, pendant qu’il se cramponnait à la tribune qu’on lui disputait, survint, avec la fin de la location, l’heure de l’entrée des singes. Il s’en suivit, m’a-t-on dit, la scène la plus curieuse, l’auditoire riait, M. Pezon tempêtait, son public piétinant à la porte ; les singes étonnés ou amusés, je ne sais lequel, cernaient M. de Lafitte en lui faisant des grimaces ; lui, ferme et noble, parlait toujours, jetant sa parole en défi aux singes et aux hommes !

Passons au congrès de Nîmes, cette ville si austère dans ses classes élevées, si profondément amusante dans ses couches profondes. Je n’y assistais pas non plus. On y constata, chez un noyau assez considérable de propriétaires voisins, un élan très marqué vers une reconstitution heureuse qui, depuis, a marché d’un pas, peut-être plus lent que ce qu’on avait espéré, mais quand même parfaitement sûr. Le privilège assez marqué qu’a eu le département du Gard tient à ce que la plupart des terres y sont siliceuses ; les rares échecs qu’on y a rencontrés ont tenu à des entêtements et imprudences de subalternes, voulant utiliser leur bagage d’expériences surannées. Lors du congrès de Nîmes, on en était encore, comme espèces, au Taylor, à l’Herbemont, au Jacquez surtout, et le Riparia commençait la carrière qui devait avoir une si grande part