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besoins au point que, lorsqu’il a payé comptant l’absinthe, le tabac, le café-concert, bref toutes les premières nécessités de l’homme parfait de nos jours, il ne reste rien pour le pain de la femme et des enfants, qui ont dû augmenter leurs privations, obtenir le crédit de pitié chez le boulanger et réduire leurs besoins pour faire place à ceux de leur dominateur.

La femme, je veux dire celle qui n’a rien de la Sarah stérile et méchante qui déjoint les ménages, vilipende l’épouse travaillant jour et nuit et qui ne trouve au bout de la vie que la rue froide où la jetteront des fils et des maris qui n’auront plus besoin d’elle : celle-là n’a pas augmenté ses besoins, mais bien ses privations. Ce n’est pas d’elle que s’occupe Louise Michel, et elle fait bien, car, malgré le silence de sa protestation toute de travail et de courage, elle trouvera son heure ; fortifiée dans la lutte d’une vie difficile, elle n’aura qu’à attendre patiemment que ses tourmenteurs, abrutis, énervés, lassés, viennent appuyer leur découragement efféminé sur la tendresse forte et généreuse qui survit et grandit sous l’épreuve et le travail. Mais la vigne du dix-neuvième siècle n’est pas vertueuse et elle aussi a fortement augmenté ses besoins, comparée à celle qui de 1851 à 1872 a fait faire de telles fortunes dans l’Hérault que, si je citais les chiffres, je ne serais pas crue. Par contre, bien menée, ses ressources sont plus grandes ; de même que c’est dans les temps troublés que les habiles financiers font les plus grandes fortunes, qu’à coups d’adresse et de capital ils soutirent honnêtement, avec plus ou moins de formes, aux maladroits et aux prodigues. En ce moment, le succès dans la voie normale est encore un problème pour beaucoup de terrains, mais il reste beaucoup à faire avec le marché aux plants, justement à cause des inconnues qui existent encore sur l’adaptation et sur la forme de multiplication la plus apte à vaincre ces difficultés. Comme plants, nous avons eu, avons et aurons encore une succession de variétés à la mode qui n’a pas cessé de fournir aux intelligents les éléments d’un commerce prodigieusement lucratif. À partir du Jacquez qui a ouvert la marche à 1000 francs pour les mille boutures, passant par le Riparia à 300 francs, et qui par la quantité qu’il en donne faisait rapporter à ses débuts des 10 000 francs à l’hectare, jusqu’à l’Othello, qui vient de finir une phase lucrative, commençant à 1500 francs pour 1000 boutures de second choix chez M. Sabatier. Il cède la place aux hybrides d’Aurelles, au plant des terrains calcaires qui va nous venir d’Amérique et à certaines formes du Rupestris du plus grand avenir. Comme modes de multiplication, nous avons eu et nous avons encore, surtout en Beaujolais, la bouture greffée. Impossible pour les maladroits, elle donne, chez les