Page:Le Correspondant 113 149 - 1887.pdf/909

Cette page a été validée par deux contributeurs.

le brave homme au patrimoine, et sur le cœur duquel de longues tendresses avaient écrit :

Oh ! ne quittez jamais le seuil de votre porte.
Mourez dans la maison où votre mère est morte[1].

Celui qui a su soustraire aux dissolvants qui corrodent le dix-neuvième siècle le petit coin du cœur où ces paroles étaient écrites, qui a su conserver vivante cette inscription malgré la boue qui éclabousse un mystère qui fut la source et la force de tant de vertus d’antan, valait certes quelque chose, et jusqu’ici, c’était parmi les ruraux, gentilshommes ou paysans de son espèce que se trouvaient ceux qui ne tombaient jamais. L’histoire que raconte M. Guiches nous montre un père aimant sa fille et son patrimoine dans cette promiscuité du cœur qui fait perdre toute mesure des proportions et relations, au point que des parents sincèrement tendres perdent avec une égale sincérité la fortune des enfants, leur solvabilité personnelle et le patrimoine commun dans la généreuse et respectable ambition de sauver ces biens aimés les uns pour les autres ; alors que lui-même, dans la lutte, ne recueillera que peine et découragement, son âge ne lui permettant pas d’entrer dans le Chanaan lointain qui dore les peines d’aujourd’hui des rayons d’un « demain » qui s’enfuit à mesure qu’on l’atteint.

Nous trouvons, au début, le héros de l’histoire, déjà touché par « l’Ennemi, » donnant un festin. Un huissier le demande ; écoutons les convives vignerons pendant qu’ils causent entre eux, faisant le vide autour de l’homme d’argent que nous retrouverons à la fin de l’histoire.

« C’est sa femme et sa fille qui font la dépense. » Ils s’accordaient à lui reconnaître des capacités supérieures et une impeccable honnêteté. Oh ! pour l’honnêteté passe, il n’y a pas dans le pays, une famille comme celle-là. C’est de race. « Jamais M. Chavasseur n’a fait tort d’un sou à n’importe qui. » Ils échangèrent des regards de connivence, éliminant le richard.

Sa fille, habituée à n’attendre de la vie que joies et facilités sans nuages, grâce au bien-être que la production jadis facile et assurée du « Perdigoux » donnait à la maison, attendait de son père ce que celui-ci avait reçu du sien ; l’honneur et le patrimoine aimé. Le père devait à l’enfant une vie douce et abritée, se choisissant sous une autre forme le successeur à tant de devoirs.

Voilà les premières pages du livre ; le début est respectable,

  1. Brizeux.