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MALPLAQUET ET DENAIN’


il

L’année 1712, qui vit la fin des longs revers de la France, débuta sous les plus fâcheux auspices. Menacé dans sa capitale, réduit aux expédients financiers, exposé aux humiliantes propositions de l’ennemi, Louis XIV se vit encore frappé dans ses plus chères affections, dans l’espoir de sa race et de sa dynastie. Il semble que la Providence ait voulu l’atteindre dans toutes les grandeurs dont il avait tiré vanité, dans toutes les faveurs dont il avait abusé, et qu’avant de récompenser sa résignation et sa fermeté, elle ait voulu les soumettre à une dernière et cruelle épreuve. On sait avec quelle grandeur dame il la supporta. On n’a pas oublié la mémorable scène de ses adieux à Villars. Le vieux roi accablé, non abattu ; le chrétien humiliant son orgueil repentant et courbant sa tête sous le châtiment d’en haut ; le souverain redressant la sienne sous l’insulte faite à sa couronne et raidissant toutes ses énergies dans un suprême et patriotique effort. « Dieu me punit, dit-il à Villars, je l’ai bien mérité, mais suspendons nos douleurs sur les malheurs domestiques et voyons ce qui peut se faire pour prévenir ceux de l’État. » Il remet alors à Villars le commandement suprême et les destinées de la France, lui exprime toute sa confiance en sa valeur, mais, éclairé par les dures leçons de l’expérience, il prévoit l’éventualité d’une défaite ; il demande à Villars ce qu’il lui conseillerait de faire de sa personne si sa dernière armée était battue, et la route de Paris ouverte à l’ennemi. Le maréchal dominé par l’émotion, par l’em¬ barras, gardait le silence… « En attendant que vous me disiez votre pensée, reprend le roi, je vous apprendrai la mienne… je connais la Somme, elle est difficile à passer ; il y a des places : je compterais me rendre à Péronne ou à Saint-Quentin, y ramasser tout ce que

1 Voy. le Correspondant du 25 septembre 1887. l r « LIVRAISON. 10 OCTOBRE 1887.