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— Mais, maman, on va m’accuser de faire des avances.

— Sois tranquille. Personne ne s’y trompera. Tu seras d’autant plus réservée, et partant d’autant plus respectée, que ton affabilité s’éloignera davantage de ces façons cavalières qui sont en usage aujourd’hui envers les jeunes gens. Je les trouve à la fois rudes et provocantes. Rien n’est choquant comme cette camaraderie qu’on affecte à l’égard des hommes. Je te réponds qu’elle leur déplaît et que ce n’est pas le moyen pour une jeune fille de s’attirer des hommages sérieux.

— Ah ! disait Jeanne avec un soupir, des hommages sérieux ! épouser un mari qui soit vraiment un homme ! quel rêve irréalisable !

Mme d’Oyrelles sourit :

— Pas tant que tu le crois. Il faut le mériter, voilà tout. Il faut tâcher d’être toi-même, et meilleure que tant d’autres. Quoi qu’en pense le monde, ma Jeanne, on n’épouse jamais que celui qu’on mérite, crois-le bien.

Mme d’Oyrelles regardait sa fille. Puis, tout à coup, craignant de montrer malgré elle la fierté que lui inspirait cette vue, elle détournait les yeux et changeait de sujet.

À droite de l’Europe, on voyait l’Afrique.

Là, on vendait des fruits étalés sous une forêt de palmiers et de bananiers. Fruits en boîtes, fruits en conserve, fruits dans toute leur fraîcheur, et surtout, au milieu de la boutique, un échafaudage d’ananas, couronnés de leurs feuilles vertes qui s’enlevaient comme des panaches et qu’on emportait comme des trophées.

En face de l’Afrique, l’Asie.

Une foule de détails : des chinoiseries sans nombre, tasses, vases, écrans, paravents, boîtes de laque, potiches, assiettes, plantes en miniature. De grands eucalyptus se penchaient entre les girandoles. Puis on trouvait aussi de petits dieux hindous, quelques étoffes de kachemyr, quelques armes pour les amateure et de jolies croix de paille avec des fleurs de Jérusalem.

Les deux autres places représentaient l’Amérique et l’Océanie. L’Océanie était peut-être un peu sacrifiée. Il n’y avait guère que des coquillages, de petits objets de bois des îles et quelques affreuses statuettes simulant des sauvages. On avait pourtant adjoint à cette partie du monde, parce qu’on la trouvait déshéritée et aussi pour apprendre aux enfants qu’on ne pouvait y aller que par mer, on avait adjoint la section des bateaux. Il y en avait de toutes les formes et de toutes les grandeurs. Navires à vapeur, à voile, cuirassés, de guerre, de commerce, chaloupes, barques, pirogues, canots, et jusqu’à des objets d’étagères, creusés dans une coque de noix et appareillés comme une corvette.