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MESSIEURS DE CISAY[1]


V


La kermesse était dans tout son éclat, ou, comme on dit en style moderne, battait son plein. L’hôtel entier, jardins et salons, était illuminé. Dans les jardins, sous les lanternes de couleur, sous les cordons de gaz, formant des arcades et des frontons, une foule d’enfants en grande toilette s’ébaudissait devant les différents théâtres. Des baraques de toile peinte, décorées de girandoles et de banderoles, s’élevaient deci delà, qui sur la pelouse, qui entre les arbres, qui s’accotant aux servitudes et les dissimulant. C’était une foire en miniature, mais une foire aristocratique, où acteurs et spectateurs étaient gens du monde. Des quêteuses, portant une écharpe bleu de ciel, se tenaient à la porte de chaque enceinte et tendaient leur bourse aux bébés qui y mettaient leur pièce blanche, aux mères qui joignaient à leur offrande un mot d’éloge ou un sourire de connaissance.

— Comment ! c’est vous ! bravo ! je ne vous savais pas si lancée dans…

— Il faut bien faire quelque chose pour les autres quand on voit tout le monde se dévouer. Avez-vous vu le petit B… ?

— Pas encore. C’est aux Puppazzi, n’est-ce pas ?

— Il est désopilant, ma chère, un entrain ! un brio ! Pendant les répétitions, c’était un feu roulant. Vous m’en direz des nouvelles.

— Maman ! maman ! nous allons manquer le spectacle !

— C’est juste, ma chérie, entrons vite. Au revoir, Berthe ! bonne recette, ma toute belle !

Aidant les quêteuses et traversant les jardins, de jeunes commissaires en habit, avec une rosette rouge et or, couraient avec des airs effarés, des airs d’une importance suprême. Parfois on les voyait

  1. Voy. le Correspondant du 10 novembre 1887.