— À la kermesse de Mme Fulston ! jamais de la vie ! Me vois-tu mettant les pieds chez une Américaine, chez une richissime Américaine ?
— Il ne s’agit pas de cela. Mme Fulston n’est pas en jeu là-dedans : c’est le but, c’est la bonne œuvre qu’il faut voir.
— Oh ! moi ! je ne suis pas pour les œuvres d’argent.
— On voit bien que tu n’es pas trésorier des comités !… Allons, Frumand, un bon mouvement, viens avec moi ce soir ; nous emmènerons Mélinot. Tu verras que la charité est ingénieuse et sait prendre toutes les formes.
— Bah ! la charité qui s’amuse…
— C’est un moyen d’atteindre toutes les bourses.
— Écoute, Bernard, nous allons faire une convention.
— Sera-t-elle longue ?
— D’abord, si je t’accompagne, il est entendu que ce ne sera point par charité.
Bernard sourit :
— Au contraire.
— Je ne plaisante pas. Ce sera pour toi d’abord, et pour observer ensuite.
— Eh bien, tu observeras, c’est convenu… Prends ton chapeau.
— Attends, attends, je n’ai pas fini. Si je consens à aller me faire dévaliser là-bas, en revanche tu m’accompagneras après à la salle Fauveau.
— Salle Fauveau ! Qu’est-ce que c’est que ça ?
— C’est le peuple, mon cher.
— Le bon ?
Frumand eut un petit mouvement d’épaules.
— Hum !… je n’en répondrais pas.
— Eh bien, alors.
— Ah ! voilà ! Promets-moi de venir. Je t’expliquerai plus tard…
— Oh ! après tout, je le veux bien, dit Bernard, à condition que tu te presses un peu et que nous partions sans plus de retard à la kermesse.
Frumand se retourna et lança un long regard sur son ami :
— Tu es bien pressé, mon vieux.
Puis il se donna un coup de brosse, et tous les trois partirent pour l’avenue des Champs-Élysées.
La suite prochainement.