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de la vie de Mahomet.

dans son vol étendu, et la peindre avec justesse ; qui, par l’harmonie de ses sons, imite le cri des animaux, le murmure de l’onde fugitive, le bruit du tonnerre, le souffle des vents ; savant, dis-je, dans l’étude d’une langue que tant de poëtes ont embellie, et qui existe depuis le commencement du monde, il s’appliqua à donner à sa morale tout le charme de la diction, à ses préceptes la majesté qui leur convenait, aux fables accréditées de son temps une touche originale qui les rendît intéressantes. Lorsque le moment qu’il avait choisi pour annoncer sa mission fut venu, il environna sa marche de ténèbres, et se borna d’abord à convertir ceux qui se trouvaient dans l’intérieur de sa maison. Sûr de son domestique, il gagna, soit par artifice, soit par la supériorité de ses lumières, quelques-uns des principaux citoyens de la Mecque. Lorsqu’il vit que son parti se fortifiait, il tonna contre l’idolâtrie. Les disgrâces, l’exil, la proscription ne servirent qu’à fortifier son courage. S’étant préparé par ses émissaires une retraite à la cour du roi d’Abyssinie, un asile à Médine, il annonça ses desseins ambitieux, et parut au grand jour. Les chrétiens démasquèrent ses erreurs, et crièrent à l’imposture ; les Juifs ne reconnaissant point dans un simple citoyen de la Mecque ce Messie brillant de gloire qu’ils attendaient, rejetèrent sa doctrine, et se déclarèrent ses ennemis ; les Coreïshites, tremblant pour un culte qui était la base de leur puissance, mirent sa tête à prix. Ce concours de clameurs et de haine ne l’effraya point. Sa constance était au-dessus des revers, et son génie était fait pour aplanir les obstacles. Profitant de l’asile que ses intrigues lui avaient procuré parmi les Cazregites, il arma Médine contre la Mecque, et résolut de dompter par les armes ceux qu’il n’avait pu soumettre par la force de la persuasion. Désespérant de surmonter l’attachement des juifs et des chrétiens à leur religion, il abrogea les lois établies en leur faveur, et tourna toutes ses vues du côté des Arabes. Il changea le lieu vers lequel ils priaient, et leur ordonna de se tourner du côté de la