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de la vie de Mahomet.
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Lorsque les funérailles furent finies, Fatime, la fille chérie de Mahomet, vint pleurer sur sa tombe. Elle prononça ce discours entrecoupé de sanglots[1] : « Ô mon père ! ô ministre du Très-Haut ! ô prophète du Dieu miséricordieux ! c’en est donc fait ! la révélation divine est ensevelie avec toi. L’ange Gabriel a pris pour jamais son essor dans les cieux. Être Suprême, exauce mes derniers vœux ; hâte-toi de réunir mon âme à la sienne ; fais que je revoie sa face ; ne me prive pas du prix de ses mérites et de son intercession au jour du jugement. » Puis prenant un peu de la poussière qui couvrait le cercueil, et l’approchant de son visage, elle ajouta : « Lorsque l’on a senti la poussière de sa tombe, peut-on trouver de l’odeur aux parfums les plus exquis ? Hélas ! toutes les sensations agréables sont éteintes pour mon cœur. Les nuages que la tristesse élève autour de moi, changeraient en nuit sombre les plus beaux jours. »

Les souhaits de Fatime furent exaucés ; elle ne survécut que quelques mois à son père.

Aïesha, d’un autre côté, renfermée dans son appartement, s’abandonnait aux larmes et aux regrets. Au milieu du deuil universel, Sofia, tante de Mahomet, qui avait l’âme forte et élevée, proposa des consolations à sa famille, en prononçant cet éloge funèbre[2] : « Ô apôtre de Dieu ! vous êtes, même sous la tombe, notre plus chère espérance. Vous vécûtes au milieu de nous, pur, innocent et juste. Tous trouvaient en vous un guide sage et éclairé. Pleure sur vous celui qui peut verser des larmes. Pour moi, j’en jure par la félicité dont vous jouissez, le malheur d’avoir perdu le prophète ne me fera point gémir sur sa tombe. Qu’avons-nous à craindre de son absence ? Le Dieu de Mahomet suspendra-t-il pour nous le cours

  1. Jannab, page 303.
  2. Idem, page 304.