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de la vie de Mahomet.

La joie de cette victoire fut troublée par la perte de trois généraux. On avait apporté leurs corps à Médine. On y voyait les glorieuses blessures dont ils étaient couverts. Ce spectacle fit verser des pleurs à tous les habitans. La ville fut couverte d’un deuil universel. Mahomet ne put retenir sa sensibilité. Il partageait la douleur publique, et regrettait deux amis élevés auprès de lui dès l’enfance. Il prit le fils de Jafar dans ses bras, et l’embrassant tendrement, le mouilla de ses larmes. Ayant rencontré la fille de Zaïd, il se jeta à son cou, et ne put étouffer ses sanglots. Saad l’apercevant dans cet état lui dit : « Ô prophète ! que vois-je ? — Ce sont, lui répondit Mahomet, les regrets d’un ami envers son ami »[1]. On fit de magnifiques funérailles aux généreux guerriers, et après la pompe funèbre, Mahomet voulant adoucir la tristesse commune, dit : « Ô Musulmans ! ne pleurez plus sur Jafar, son sort est digne d’envie. Dieu lui a donné deux ailes, et il s’en sert pour parcourir l’immense étendue des cieux ouverts à ses désirs. »

[2] Un événement qui eut de grandes suites fit diversion à la douleur et aux larmes. Les enfans de Becre, autorisés par le traité d’Hodaïbia, étaient entrés dans l’alliance des Coreïshites. Les Cozaïtes s’étaient rangés du côté de Mahomet. La haine qui divisait ces deux tribus leur avait fait prendre ces partis opposés. Les enfans de Becre voyant leurs ennemis endormis à l’ombre de la paix, sentirent renaître leur ancienne animosité. La facilité de la vengeance les fit passer sur la sainteté des lois. Ils demandèrent des troupes aux Coreïshites, et allèrent attaquer les Cozaïtes. Ils surprirent un de leurs bourgs, massacrèrent une partie des habitans, et mirent les autres en fuite[3]. Les

  1. Jannab.
  2. Abul-Feda, page 102.
  3. Idem, ibidem.