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DE LA VIE DE MAHOMET.


Cette alliance enrichissait Mahomet. Elle ne l’enivra point[1]. Il aima constamment celle à qui il devait sa fortune. Aussi long-temps qu’elle vécut, il résista à la loi de son pays qui lui permettait d’épouser plusieurs femmes. La prospérité ne changea point son cœur. Halima, sa nourrice, vint lui exposer sa pauvreté. Il en fut attendri, et sollicita pour elle la bienfaisance de Cadige qui lui donna un troupeau de quarante brebis. Halima s’en retourna joyeuse au désert des Saadites.

Ici l’histoire se tait. Quinze années de la vie de Mahomet sont couvertes d’un voile, et reposent sous le silence. On ignore ce qu’il fit depuis vingt-cinq ans jusqu’à quarante. Abul-Feda seul, nous dit un mot ; mais c’est un trait de lumière qui jette un grand jour sur l’histoire. Dieu, dit-il, lui avait inspiré l’amour de la solitude. Il vivait retiré, et passait tous les ans un mois dans une grotte du mont Hara[2].

C’était pendant ces années obscures que le législateur de l’Arabie jetait les fondemens de sa grandeur future. C’était dans le silence de la retraite qu’il méditait cette religion qui devait soumettre l’Orient. La dispersion du peuple hébreu après la ruine de Jérusalem, les guerres de religion allumées parmi les Grecs, avaient peuplé l’Arabie de juifs et de chrétiens. Il étudia leurs dogmes, et joignit à ces connaissances l’histoire de son pays. L’église d’Orient était divisée. Une foule de sectes nées de son sein le déchiraient. Les empereurs oubliant le soin de leur empire, mettaient leur gloire à soutenir des questions de théologie, tandis que les Perses, sous les drapeaux de Cosroës, portaient la flamme et le fer aux portes de Constantinople. Les Arabes ayant presque perdu l’idée d’un Dieu unique, étaient replongés dans les ténèbres de l’idolâtrie. Le tem-


  1. Abul-Feda. Ahmed. Joseph, sect. 1re, ch. 40.
  2. Abul-Feda, page 13.