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DE LA VIE DE MAHOMET.

prendre ton âme, soit que tu me commandes de la laisser, j’obéirai. Prends-la, ajouta Mahomet. Puisque c’est ta volonté..... Dieu, ajouta Gabriel, désire ardemment ta présence. Pour moi, voilà la dernière fois que mes pieds fouleront la terre. Je m’envole pour jamais de ce monde. » A l’instant l’ange de la mort remplit son redoutable ministère.

Tout cet entretien n’était point sans fondement. Mahomet, gardant toujours la majesté de son caractère, voulait confirmer ce qu’il avait souvent répété, qu’avant d’enlever un prophète de ce monde, Dieu lui montrait la place qu’il devait occuper dans l’autre, et le laissait maître du choix. Aïesha, la dépositaire de ses dernières paroles, nous l’apprend en ces mots : « Lorsque le moment de son agonie fut venu, j’étais assise près de lui. Sa tête penchée reposait sur mes genoux. Il s’évanouit ; mais bientôt revenu à lui-même, il ouvrit les yeux et les fixa vers le toit de la maison. Ses paupières étaient immobiles. Je l’entendis prononcer d’une voix faible : Avec les citoyens des cieux. Alors je compris qu’il avait choisi le séjour éternel. Le cœur brisé de douleur, je lui serrai la main et je l’entendis répéter ce verset : Tels sont entre les fils d’Adam, de Noé, d’Abraham et d’Ismaël, les prophètes que Dieu combla de ses grâces. Il les choisit parmi ceux qu’il éclaira du flambeau de la foi. Lorsqu’on leur récitait les merveilles du miséricordieux, le front prosterné, les yeux baignés de larmes, ils adoraient sa majesté suprême[1]. » Il rendit l’âme en prononçant ces derniers mots. « Alors, continue Aïesha, je posai sa tête sur un coussin, je me frappai la poitrine, je me meurtris le visage en poussant de longs gémissemens. Ses autres épouses, partageant ma douleur, remplirent l’air de leurs cris lugubres, et déchirèrent leurs vêtemens. »


  1. Le Coran, chap. 19, tome 2.