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DE LA VIE DE MAHOMET.

« O ma fille ! soyez la bienvenue. » Il la fit asseoir à ses côtés, et lui dit à l’oreille[1] : « O Fatime ! Gabriel avait coutume de m’apparaître une fois tous les ans, il m’a visité deux fois cette année. Je ne le reverrai plus qu’au moment où je partirai de ce monde. Cet instant n’est pas éloigné, et je suis charmé de vous précéder. » Fatime fondait en larmes. Mahomet, s’apercevant de l’impression profonde qu’il avait fait sur son cœur, tâcha de la consoler. « O ma fille ! ajouta-t-il, pourquoi vous abandonner à la tristesse ? Ne devez-vous pas vous réjouir d’être la princesse des femmes des fidèles, la première de votre nation ? » Fatime sourit. Sa douleur n’en était pas moins vive. Elle suivit de près son père.

Le même jour il se leva, et appuyé sur le bras de Fadl et d’Ali, il se rendit à la mosquée. Étant monté dans la tribune, il publia les louanges de Dieu à la manière accoutumée, et parla ainsi[2] : « O Musulmans ! si j’ai fait flageller un seul d’entre vous, voilà mon dos, qu’il frappe. » Si j’ai flétri sa réputation, qu’il déchire la mienne ; si je lui ait fait souffrir un affront, qu’il me traite de la même manière ; si je lui ai demandé de l’argent injustement, voilà ma bourse. Que personne ne soit arrêté par la crainte de mon ressentiment ; l’injustice n’entre point dans mon caractère. » Ce discours prononcé, il descendit de la tribune, et fit la prière de midi. Lorsqu’elle fut finie, un homme vint demander trois drachmes qui lui étaient dues. Mahomet les lui remit avec l’intérêt, en disant : « Le déshonneur de ce monde est plus facile à supporter que l’opprobre de l’autre. Dieu, ajouta-t-il, a donné le choix de cette vie ou de la vie éternelle à l’un de ses serviteurs ; et il a préféré la vie éternelle. » Alors, faisant approcher les Ansariens, ces braves compagnons, ces gardes


  1. Elbokar.
  2. Abul-Feda, p. 134.
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Ire. part.