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DE LA VIE DE MAHOMET.

acclamations se changèrent en cris de douleur. Les vieilles femmes, les yeux baignés de larmes, chantèrent en sanglotant cet hymne funèbre : Pleurez, jeunes enjans qui sucez encore le lait de vos mères[1]. Faites vos derniers adieux à la grande déesse. Vous ne verrez plus voltiger autour d’elle les petits oiseaux qui lui étaient consacrés.

[2] Au mois de Chawal, Abubecr, chargé de présider à la célébration du pèlerinage de la Mecque, partit avec un cortége de trois cents hommes. S’étant arrêté à Delholaïfa, bourg situé à quelques milles de la Mecque, il vit arriver Ali avec des préceptes nouvellement descendus du ciel. En effet, le prophète ne croyant plus avoir besoin de ménager les idolâtres, publia[3] le chapitre de la conversion, où on lit ces mots : « Dieu et son envoyé déclarent qu’après les jours du pèlerinage, il n’y a plus de pardon pour les idolâtres. Il vous importe de vous convertir. Si vous persistez dans l’incrédulité, souvenez-vous que vous ne pourrez suspendre la vengeance céleste. Annonce aux infidèles des supplices douloureux, etc.[4]. »

Ali devait lire ce chapitre fulminant dans l’assemblée du peuple. Abubecr, jaloux de son ministère, retourna à Médine, et dit à Mahomet : Le ciel ne vous a-t-il rien révélé pour moi ? « Rien, répondit le prophète. Tous les préceptes que Gabriel m’a apportés, j’ai dû les publier moi-même, ou charger quelqu’un de ma famille de cet emploi. O Abubecr ! qu’il vous suffise d’avoir été mon compagnon dans la grotte du mont Tour, et de vous être assis à mes côtés, sous le dais que l’on m’éleva à la


  1. El Sohaïl.
  2. Abul-Feda, p. 227 et 228.
  3. C’est le dernier que Mahomet ait publié ; mais ceux qui ont rassemblé les morceaux épars du Coran, ayant eu égard plutôt à la longueur des chapitres qu’au temps où ils ont été donnés, l’ont placé le neuvième. Elbokar. Voyez la préface.
  4. Le Coran, chap. 9, tome Ier.