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que s’il eût vu sept rochers, car l’image de Byblis seule emplissait toute sa petite âme, et il n’y avait de place en lui pour une tendresse étrangère.

Pendant un mois Cyanée ainsi conduisit son fils de montagne en montagne et de plaine en plaine, mais sans réussir une fois à le détourner de son désir.

Enfin devinant qu’elle ne vaincrait jamais cette obstination passionnée, elle se prit à haïr son fils et à l’accuser d’infamie. Mais l’enfant ne comprenait point ce que lui reprochait sa mère. Pourquoi, entre toutes les femmes, venait-on lui refuser justement celle qu’il aimait ? Pourquoi les tendresses qu’on lui eût permises dans les bras importuns d’une autre devenaient-elles criminelles dans les bras adorés de Byblis ? Pour quelles mystérieuses raisons un sentiment qu’il savait tendre et bon, capable de tous les sacrifices, était-il jugé digne de tous les châtiments ? Dzeus, pensait-il, a bien épousé sa sœur, et la Dionide Aphrodite a bien osé tromper avec son frère Arès son frère Héphaïstos. Car il ne savait pas encore que les dieux seuls se sont donné une morale intelligente, et qu’ils inquiètent la vertu par d’incompréhensibles lois.

Et Cyanée dit à son fils :

« Je te renie pour mon enfant ».

Et elle fit signe à une centauresse qui s’en allait vers la mer, et elle la fit enfourcher par Caunos, et la bête rapide détala.

Quelque temps, Cyanée les suivit du regard. Caunos effaré se retenait aux épaules et parfois il s’engloutissait sous la monstrueuse chevelure. La centauresse galopait par bonds allongés et puissants ; elle s’enfuyait en droite ligne ; elle diminuait dans le lointain vert. Bientôt elle tourna derrière un bouquet de bois, puis reparut, mais petite comme un point qui semblait se déplacer à peine. Et enfin Cyanée cessa de la distinguer.

A pas lents la mère de Byblis s’en retourna vers la forêt.

Elle était triste, fière aussi, d’avoir sauvé par une séparation vio-