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LAMENTO D’AUTOMNE

LAMENTO D’AUTOMNE Puisque voici l’Automne, ah ! que ton âme étreigne Une dernière fois les songes de l'été, Les fantômes divins, dans le grand bois qui saigne !

Les vieux arbres, vêtus de cruelle beauté, Demain seront tout noirs sous les néfastes nues, Et pâle, dans ton coeur l’Espoir a grelotté.

Et voici que déjà les Chimères sont nues, Qui, reines aux traînants vêtements soleilleux, Dans la saison d’orgueil étaient vers toi venues,

La brume sur ton front s'amasse; dans tes yeux S'évanouit l'éclair des voluptés hautaines Que créa ton désir, poète merveilleux.

Des triomphes premiers les voix se font lointaines En toi passe et repasse un âpre moissonneur; Un givre lent durçit tes intimes fontaines.

Et tandis que le vent s'élève, dur sonneur, Tu crois ouïr un bruit d'inéluctables forts Se refermant, là-bas, sur tout le vieux Bonheur

Et tu crois voir le sang, le sang des heures mortes.