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III. ― Mouvement syndical et Front unique

13o Le communisme français se trouve, en ce qui concerne l’idée du front unique, dans une situation exceptionnellement favorable. Le communisme français a réussi à conquérir, dans les cadres de l’organisation politique, la majorité du vieux Parti socialiste ; après quoi les opportunistes ont ajouté à toutes leurs autres qualités politiques celle de briseurs d’organisation. Notre Parti français a souligné ce fait en qualifiant l’organisation socialiste-réformiste, de dissidents ; ce seul mot met en évidence le fait que ce sont les réformistes qui ont détruit l’unité d’action et d’organisation politique.

14o Dans le domaine syndical, les éléments révolutionnaires, et les communistes avant tout, ne doivent pas dissimuler à leurs propres yeux, comme à ceux de leurs ennemis, toute la profondeur des différences de vue entre Moscou et Amsterdam, différences qui ne sont nullement le fait de simples courants d’opinions dans les rangs du mouvement ouvrier, mais qui sont le reflet de l’antagonisme entre la bourgeoisie et le prolétariat. Mais les éléments révolutionnaires, c’est-à-dire, avant tout, les éléments communistes conscients, n’ont jamais préconisé la sortie des syndicats ou bien la scission de l’organisation syndicale. Ce mot d’ordre caractérise les groupements sectaires des localistes du K. A. P. D., certains groupes « libertaires » en France, qui n’ont jamais eu d’influence dans les masses populaires, qui n’ont ni l’espoir, ni le désir de conquérir cette influence, mais qui se confinent dans de petites paroisses bien définies. Les éléments vraiment révolutionnaires du syndicalisme français ont senti instinctivement qu’on ne peut conquérir la classe ouvrière dans le mouvement syndical qu’en opposant le point de vue révolutionnaire et les méthodes révolutionnaires au point de vue et aux méthodes des réformistes dans le domaine de l’action de masse, tout en défendant en même temps avec la plus grande énergie l’unité de cette action ;

15o Le système des noyaux dans l’organisation syndicale, qui a été adopté par les révolutionnaires, ne représentait que la forme de lutte la plus naturelle pour l’influence idéologique et pour l’unité de front applicable sans détruire l’unité de l’organisation.

16o Semblables aux réformistes du Parti socialistes, les réformistes du mouvement syndical ont pris sur eux l’initiative de la rupture. Mais, justement, l’expérience du Parti socialiste leur a suggéré que le temps travaille en faveur du communisme et qu’on peut contrecarrer l’influence de l’expérience et du temps en hâtant la rupture. Nous voyons, de la part des dirigeants de la C. G. T., tout un système de mesures tendant à désorganiser la gauche, de la priver des droits que lui confèrent les statuts des syndicats et, enfin, à l’exclure – contrairement aux statuts et aux usages – de toute organisation syndicale.

D’autre part, nous voyons la gauche révolutionnaire défendant son droit dans le domaine des formes démocratiques de l’organisation ouvrière et s’opposant à la scission dictée par les dirigeants confédéraux au moyen de l’appel aux masses en faveur de l’unité syndicale ;

17o Tout ouvrier conscient doit savoir que lorsque les communistes ne formaient que la sixième ou la troisième partie du Parti socialiste, ils ne pensaient nullement à la scission, fermement convaincus que la majorité du Parti ne tarderait pas à les suivre. Lorsque les réformistes furent réduits à un tiers, ils firent la scission, n’ayant aucune espérance de conquérir la majorité dans l’avant-garde prolétarienne.

Tout ouvrier conscient doit savoir que lorsque les éléments révolutionnaires se sont trouvés devant le problème syndical, ils l’ont résolu à l’époque où ils ne formaient qu’une infime minorité, dans le sens du travail dans des organisations communes, certains que l’expérience de l’époque révolutionnaire pousserait rapidement la majorité des syndiqués à l’adoption du programme révolutionnaire. Lorsque les réformistes ont vu croître l’opposition révolutionnaire dans les syndicats, ils ont immédiatement eu recours aux mesures d’exclusions et à la scission, parce qu’ils n’avaient aucun espoir de reconquérir le terrain perdu.

De là, plusieurs déductions de la plus grande importance :

1o. Les différends existant entre nous et les réformistes reflètent dans leur essence l’antagonisme entre la bourgeoisie et le prolétariat ;

2o. La démocratie mensongère des ennemis de la dictature prolétarienne se démasque complètement, car ils ne sont pas disposés à admettre les méthodes de la démocratie ouvrière, non seulement dans les cadres de l’État, mais aussi dans le cadre de l’organisation ouvrière : lorsque cette démocratie se retourne contre eux, ils s’en séparent, comme les dissidents du Parti, ou excluent leurs adversaires – comme MM. Jouhaux, Dumoulin et Cie. – Il serait, en effet, absurde de croire que la bourgeoisie consente jamais à achever la lutte avec le prolétariat dans le cadre de la démocratie si les agents de la bourgeoisie, dans l’organisation syndicale et politique, ne consentent pas à solutionner les questions du mouvement ouvrier sur le terrain de la démocratie ouvrière, dont ils acceptent ostensiblement les règles.

18o La lutte pour l’unité de l’organisation et de l’action syndicale reste dorénavant un des problèmes les plus importants de ceux qui se posent au Parti Communiste. Il s’agit non seulement de réunir un nombre de plus en plus grand d’ouvriers sur le programme et la tactique communistes. Il s’agit encore, pour le Parti Communiste, de chercher à cette fin, par son action et par celle des communistes syndiqués, à réduire au minimum, dans chaque situation appropriée, les obstacles