der si nous avons en France une situation telle que les communistes représentent au point de vue des actions pratiques « une qualité négligeable » ou bien, au contraire, s’ils groupent la majorité des ouvriers organisés pour eux, ou encore s’ils ont une position moyenne, c’est-à-dire s’ils sont assez forts pour que leur participation au mouvement de masse ait une grande valeur, mais pas assez forts pour en concentrer dans leurs mains la direction indiscutée. Et il est tout à fait certain que nous sommes en France en présence du troisième cas.
11o Dans le domaine de l’organisation politique, la prépondérance des communistes sur les réformistes est indiscutable. L’organisation et la presse communistes sont incomparablement plus fortes, plus riches, plus vivantes, que l’organisation et la presse des prétendus « socialistes ».
Mais cette prépondérance indiscutable est loin de suffire à assurer au Parti Communiste français la direction complète, indiscutable du prolétariat français, du fait de la puissance des tendances anti-politiques et des préjugés, influençant principalement les syndicats ouvriers.
12o La particularité la plus grande du mouvement ouvrier français, c’est que les syndicats ouvriers ont longtemps été l’enveloppe sous laquelle se cachait un parti anti-parlementaire, d’une forme spéciale, connu sous le nom de syndicalisme.
Les syndicalistes révolutionnaires peuvent en effet se séparer tant qu’ils le voudront de la politique et du Parti ; ils ne pourront jamais nier qu’ils constituent eux-mêmes un parti politique, aspirant à s’appuyer sur les organisations économiques de la classe ouvrière. Ce parti a de bonnes tendances révolutionnaires prolétariennes. Mais il a aussi des caractères négatifs, il manque d’un programme précis et d’une organisation définie.
La question se complique par le fait que les syndicalistes, comme tous les autres groupements de la classe ouvrière, se sont divisés après la guerre en réformistes soutenant la société bourgeoise et, par cela même, passés, dans la personne de leurs meilleurs éléments, du côté du communisme.
Et la tendance au maintien de l’unité de front a justement inspiré non seulement aux communistes, mais aussi aux syndicalistes révolutionnaires, la meilleure tactique dans la lutte pour l’unité de l’organisation syndicale du prolétariat français. Au contraire, jouhaux, Merrheim et tutti quanti sont entrés dans la voie de la scission, mus par l’instinct de banqueroutiers, qui sentent qu’ils ne pourront soutenir devant la masse ouvrière la concurrence des révolutionnaires dans l’action. La lutte, d’une importante colossale, qui se déroule aujourd’hui dans tout le mouvement syndical français, entre les réformistes et les révolutionnaires, se présente à nous en même temps comme une lutte pour l’unité de l’organisation syndicale et pour l’unité du front syndical.