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BALZAC

dans Corinne. Et vingt autres après M""^ de Staël et Vigny recommencèrent Corinne et Chatterton, conspuèrent les sociétés bourgeoises qui ne savent pas découvrir les génies cachés dans l’ombre. et flétrirent les millionnaires qui n’emploient pas leur fortune à faire des rentes aux nouveaux Chattertons ou qui refusent de marier leurs fils aux nouvelles Corinnes.

Ce ne fut qu’une mode ; Gautier lui-même, qui avait été parmi les plus tapageurs, ne tarda pas à s’amender et à s’assagir, à s’embourgeoiser. Hugo n’eut pas même à s’amender ; il avait toujours été trop sûr de son génie pour avoir besoin de se singulariser par son costume et ses allures ; dès 1827, sa simple redingote, son modeste col de linge blanc désolaient ses jeunes admirateurs qui auraient voulu le draper dans quelque manteau à la Byron. Ce ne fut qu’une mode:les vrais artistes s’aperçurent vite qu’à la faveur du déguisement des intrus avaient envahi le temple qui se croyaient ou se disaient artistes en raison de leur mise pittoresque ou débraillée, en raison du développement de leur crinière. Et peu à peu tout ce tapage tomba ; cette émeute de jeunesse qu’avait été le romantisme, s’apaisa. Les grands maîtres qui sont la gloire du xix siècle, continuèrent leur œuvre puissante en prenant le ton, le langage, l’habit de ces bourgeois qu’ils avaient d’abord tant bafoués. Ils eurent un foyer, ils furent des gens comme les autres ; il leur arriva même de monter leur garde, quand le tambour de la garde nationale venait les chercher; et ils comi)rirent que si le rôle de l’artisle est grand, c’est à (’ondition, non de viser à l’excentricité, non de faire l)and(î à part, mais au contraire de mêler sa vie à la vie (l(^ son temps et d’être, scion la belle formule antique, un homme à qui rien d’humain n’est étranger. Enfin, ils