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VIEILLES HISTOIRES DE PAYS BRETON

qui le guettait du haut du perron l’introduisit dans le salon d’honneur où l’attendait, debout et la tête inclinée sur sa poitrine, le marquis de Locmaria.

— Bienvenue à vous, monsieur le marquis ! dit-il dès le seuil.

Et, s’étant avancé de quelques pas, il mit un genou en terre.

D’ordinaire, « Monsieur Charles » l’attirait à lui, lui donnait affectueusement l’accolade, le traitait en ami d’enfance, presque en égal.

Il ne lui tendit même pas la main, cette fois, et dédaigna de répondre à son salut.

Il y eut entre eux plusieurs minutes d’un silence pénible.

Enfin le marquis parla.

— Prenez connaissance de cette lettre, prononça-t-il d’un ton dur. Vous me direz ensuite si ce qu’elle renferme est exact.

La lettre ne portait aucune indication de date ni de provenance ; elle était signée Rita Dongui : Guillaume Guégau la lut avec lenteur, posément, sans trahir aucune émotion.

— Eh bien ? demanda le marquis.

— Il n’y a là-dedans rien qui ne soit vrai.

Les traits de M. de Locmaria se contractèrent douloureusement, et ce fut d’une voix sourde, tremblante d’une fureur mal contenue, qu’il articula :

— Ainsi, vous, mon homme-lige, le serviteur-né de ma maison, vous n’avez pas craint de vous faire, contre moi, le complice de cette drôlesse ?

Deux grosses larmes jaillirent des yeux de l’intendant et coulèrent dans sa barbe rude. II ne se départit pourtant pas de son calme.