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elle m'emporta endormie comme un enfant entre les bras de sa nourrice. Et, de peur que je ne me réveille, la mer, quand elle m'aura prise, me bercera d'une berceuse si longue, si longue, que jusqu'à la fin des temps je ne me réveillerai plus."

Or, comme la Charlézenn se disait cela non seulement sans amertume, mais même avec une sorte de volupté, subitement elle fit halte. Au-dessus de sa tête, dans les branches hautes d'un énorme châtaignier, une voix de garçonnet dénicheur de nids chantait, sur un ton de mélopée, une complainte en breton où revenait sans cesse le nom de la Charlézenn. - Hé ! petit ! cria la jeune fille ; quelle est cette gwerze que tu chantes ? La frimousse ensoleillée du gamin se montra entre les ramures. - D'où venez-vous donc, dit-il, que vous ne connaissez point la complainte de la Charlézenn ? Il y a beau temps qu'elle court le pays ! - Descends me la chanter et, pour récompense, je te donnerai un écu. Elle avait à peine fini de parler que le garçonnet sautait à côté d'elle, dans la mousse.

La Charlézenn si fort sifflait Que le chêne feuillu s'effeuillait...

Il débita la gwerze d'une haleine. Marguerite l'écouta jusqu'au bout, immobile, les mains jointes. Sur ses joues, des larmes silencieuses ruisselaient. Ainsi, c'était là l'idée qu'elle allait laisser d'elle au monde ! - Sais-tu qui a fait la complainte ? demanda-t-elle à l'enfant