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RÉCITS DE PASSANTS

en sorte qu’elle avait l’air d’une bonne petite fée, descendue par le trou de la cheminée, dans un nuage.

Elle reprit, après un silence :

— C’est une belle chose, le feu !… J’ai entendu conter ceci, quand j’étais enfant. Il y a des tribus d’oiseaux qui, l’hiver venu, ne consentent point à s’expatrier. Ce sont, je pense, des oiseaux bretons. L’idée seule des climat lointains, mêmes dorés par des soleils éblouissants, leur semble plus mortelle que la mort. La première bise les saisit et les tue, perchés au haut de l’arbre natal. Leurs corps menus tombent à terre, s’y écrasent, ainsi que des fruits mûrs. Mais où de leur vivant ils nichèrent, leurs âmes délicates restent blotties, — et ce sont ces âmes qui, lorsque l’arbre a été débité en bûches, s’évadent de nos foyers en flammes vives, avec un joli bruit de chansons… Au temps où Pêr Corniguellou, mon défunt mari, — Dieu l’ait en sa garde ! — me faisait la cour, il avait coutume de fredonner en passant, le soir, près de notre porte :

Du bois qui brûle un oiseau s’envole.
Matic, écoute ce que te dit son chant…
Il te dit, ce chant, que je t’aime ;
Il te dit, que mon cœur aussi brûle,
Qu’il brûle d’amour pour sa douce…

« Ce temps est loin, si loin que c’est presque comme s’il n’avait jamais été. »

Matic resta un instant songeuse à regarder voltiger les flammes, sans doute aussi à écouter, tout au fond de sa prime jeunesse, la chanson de Pér Corniguellou.

Je lui dis, pour renouer l’entretien :

— Causons de nos morts, Matic, puisque c’est leur soir.