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LES DEUX AMIS

au clou accoutumé, et là, dans la demi-clarté vacillante, il se mit à relire plus posément le grimoire de son ami, de son frère.

« Le vent d’ouest soufflait dans le pignon, par grandes haleines intermittentes, avec de brusques accalmies suivies d’une sorte de déchaînement sauvage… Or, voici qu’en relisant, peut-être pour la vingtième fois, il sembla à Noël que certains passages de la lettre revêtaient un sens nouveau, plus profond, plus mystérieux. Une phrase disait : « Les officiers prétendent que la guerre est sur le point de finir. Peut-être, quand te parviendra ce chiffon de papier, serais-je moi-même au moment de te rejoindre. Dieu fasse qu’il en soit ainsi ! » Noël se prit à murmurer, après l’absent :

« — Dieu fasse qu’il en soit ainsi !

« Et à l’instant même, il eut le sentiment que cela allait être.

« L’ouragan s’était tu. Un silence effrayant régnait au dehors, une sorte d’attente angoissée. Noël tendit l’oreille : quelqu’un venait. Un bruissement presque imperceptible de pas remuait les fougères desséchées qui jonchaient la cour : et trois coups discrets, espacés de quelques secondes, furent frappés à la porte de l’écurie.

« Le cœur de Noël Bleiz battit avec force.

« Les chevaux, qui dormaient à demi, s’ébrouèrent, tournèrent tous la tête dans la même direction, vers l’huis de chêne qu’une lourde barre fermait.

« Noël demanda :

« — Qui est là ?

« — C’est moi, ton frère Evenn, répondit une voix.

« Mes avertissements ne m’avaient donc pas trompé ! s’écria Noël.

« Et il se précipita pour ouvrir. Dans le cadre de la