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LES DEUX AMIS

« — Tu sais bien, Evenn, qu’il y a toujours place pour toi à notre feu. Entre toi et notre Noël, nous ne faisons aucune différence.

« Le jeune homme s’était assis.

« Glauda dit à son tour, obéissant à son éternelle préoccupation :

« — Si quelque chose peut nous consoler du départ de Noël, c’est que tu nous restes. Car tu ne songes point à nous quitter, toi aussi, je suppose ? Ce n’est pas ton mariage, au moins, que tu nous viens nous annoncer.

« Evenn ne put s’empêcher de sourire.

« — Si, fit-il ; mais mon mariage avec le régiment.

« — Tu t’engages, pour suivre Noël ? s’écrièrent les maîtres d’une seule voix…

« Glauda se couvrit la figure de ses mains. Jean Bleiz ajouta tristement, non sans amertume :

« — Fais ce qu’il teplait, gars. Nous deviendrons, nous autres, ce que nous pourrons.

» — Ne pleurez point, Glauda, dit Evenn ; et vous, Jean Bleu, connaissez-moi mieux. Si je pars, c’est pour que votre Noël ne parte pas. Je venais vous avertir que je suis accepté par le gouvernement pour être son remplaçant… J’aurais souhaité vous apporter cette nouvelle plus tôt. Mais, pour une chose si simple, il faut des tas de démarches et de paperasseries. Je n’ai eu la lettre qu’hier. Sans ça, croyez bien que vous n’auriez pas été si longtemps à vous manger de chagrin en tâchant de faire bon visage.

« Pour le coup, Glauda s’était mise à sangloter. Quant à Jean Bleiz, il avait laissé tomber sa pipe dans la cendre et demeurait ahuri, comme un homme qui rêve.

« Evenn Mordellès, prononça-t-il enfin, tu es un brave cœur. La bénédiction de Dieu est entrée avec toi dans