Page:Le Braz - Vieilles histoires du pays breton, 1905.djvu/26

Cette page n’a pas encore été corrigée

aimaient mieux entendre Gaïdik, la petite sœur. Dès que l'un d'eux ouvrait la bouche, les deux autres lui disaient : "Laisse parler Gaïdik !". Et Gaïdik parlait. Elle les entretenait de ses courses, de ses vagabonderies durant le jour, les amusait avec des riens. Elle leur racontait des histoires merveilleuses, comme à des enfants, ou bien leur chantait gwerzes et sônes, seul héritage qu'elle sût gré à la vieille Nann de lui avoir transmis. Ils l'écoutaient, suspendus à ses lèvres. Sa voix caressait délicieusement leurs âmes de barbares. Quand le serein commençait à tomber, elle souhaitait le bonsoir aux trois frères. Ils lui avaient dressé une "couchée" sous la table d'un dolmen que ne soutenait plus qu'un de ses supports. Là elle couchait comme une reine des âges primitifs, avec des peaux d'animaux sauvages pour rideau et, pour lit, un moelleux entassement de couvertures dont quelques-unes, fruit du pillage, avaient été tricotées sans doute par des doigts savants de châtelaines.

A la nuit bien close, deux des Rannou disparaissent de nouveau, retournaient à leur besogne mystérieuse. La Charlézenn, avant de s'endormir, les écoutait s'éloigner. Le troisième demeurait pour la garder, étendu sur une jonchée de fougère près d'un feu de bivouac. Chacun la veillait ainsi, à tour de rôle. Une nuit que c'était le tour de Kaour, il sembla à la jeune fille qu'elle l'entendait sangloter. Elle l'appela doucement : - Kaour ! - Qu'est-ce, Gaïdik ? - C'est à toi qu'il faut le demander. Pourquoi pleures-tu ? - Je ne sais. Cela m'arrive quelquefois, à propos