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AUX VEILLÉES DE NOËL

mais elle n’osa point insister, fit une humble révérence et sortit.

Le lendemain, à l’aube, un cantonnier la trouva couchée dans la douve, morte, enveloppée d’un linceul de neige.

Par la faute du prêtre, elle n’avait point trépassé en état de grâce. Or ce prêtre comparut, à son tour, au tribunal de Dieu, et Dieu lui dit :

« — Pour avoir péché de la sorte, tant qu’il restera deux pierres de la chapelle de Saint-Mélar, ton expiation sera d’y donner la communion, la nuit de Noël, à toutes les âmes errantes !… »

Voici Noël, Mathias Kervenno. Les cloches de minuit vont carillonner. Le prêtre est à son poste, les âmes errantes se sont rassemblées, les fioles saintes vont être remplies, mais le « livre », Mathias, le livre n’est plus à sa place… S’il ne se retrouve pas, le prêtre ne pourra célébrer l’office. Il sera quitte pour recommencer cent autres années de pénitence, peut-être… Mais c’est celui qui a emporté le missel que je plains : ce qui appartient aux défunts devient un instrument de damnation entre les mains des vivants. J’ai dit, Mathias Kervenno.

Je sortis le livre de ma poche.

— Le voilà, murmurai-je. Est-ce à toi qu’il faut que je le restitue ?

— Je ne suis qu’une chouette, répondit l’oiseau. Rapporte-le où tu l’as pris.

— Je ne sais ce que vous auriez fait. Moi je n’hésitai point. Je tirai sur la bride du cheval qui, lui non plus, ne se fit pas prier, et nous rebroussâmes chemin.

Les figures des arbres, aussitôt, me redevinrent amies. Ce n’étaient plus des spectres terrifiants, mais des ormes, des hêtres, des châtaigniers, des chênes aux attitudes