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AUX VEILLÉES DE NOËL

vrage datait, à coup sûr, de longtemps ; et je savais qu’il y avait, à Belle-Isle, un Anglais, homme excentrique, qui payait au poids de l’or des bouquins de ce genre, les estimant d’autant plus cher qu’ils étaient plus vieux.


II

Noël était proche. La veille de la fête, le chef de notre campement me dit :

— Ça te ferait-il plaisir d’aller, ce soir, à Belle-Isle ?…

Il y a un chargement de sabots à fournir chez Roll Even, le marchand de la Grand’Rue… Tu pourras de la sorte assister à la messe de minuit dans l’église de ville qui sera, dit-on, illuminée comme une cathédrale.

J’acceptai avec empressement, non point à cause de la messe de minuit, quoique j’aie toujours été bon chrétien, mais parce que, par la même occasion, je trouverais probablement à vendre le missel à l’Anglais.

Je profitai d’un moment où j’étais seul dans la hutte pour tirer le livre de la cachette, l’envelopper d’un morceau de toile et le glisser dans la poche intérieure de ma veste.

Après souper, la charrette attelée et chargée, je fis claquer mon fouet, et me voilà en route.

Il faisait un petit froid vif, qui piquait : je m’entortillai dans ma limousine, les rênes serrées entre les genoux, les mains enfoncées dans les manches de ma veste. Le cheval était la bête la plus douce et la plus intelligente qui se pût imaginer. Il entendait le breton, comme vous et moi, et il