Yvon Floury, le capitaine, eut un calme sourire et vint s’asseoir auprès de l’homme qui l’avait hélé. Celui-ci reprit :
— Puisque nous te tenons et que c’est veille de Noël, tu vas nous raconter cela tout au long.
— Quoi ?
— L’histoire de la Jeanne-Augustine,
Yvon Floury demanda une mocque de cidre, passa son énorme pouce dans l’anse de la chopine et trinqua à la ronde avec les compagnons. Il but d’une seule lampée, puis, promenant sur les poils de sa moustache sa langue rouge, vibrante et mince comme celle d’un fauve :
— L’histoire de la Jeanne-Augustine, grommela-t-il. Il n’y a guère que moi, en effet, qui vous la puisse conter. De ceux qui étaient à bord, cette nuit-là, je crois bien que je suis le seul survivant…
— C’est pourtant juste !… Il y avait Alain Perrot, n’est-ce pas ?
— Mon second : perdu « à Islande ».
— Il y avait aussi Ludo Guilcher ?
— De Plounez. Mon matelot : décédé à Singapour.
— Puis ?
— Puis il y avait le mousse… Celui-là, je ne sais pas trop ce qu’il est devenu.
— Perdu aussi « à Islande », murmura quelqu’un. C’était mon fils.
Il y eut un silence gêné.
Jean Carguet, le maître-voilier, se hâta d’intervenir :
— Dis donc l’histoire, capitaine Floury !