turaux que tempérait, que voilait une sorte de nasillement triste. Et il s’accompagnait d’un instrument bizarre, d’une lyre à deux nerfs, l’un grave, l’autre mordant. Mélopée lamentable travorsée d’un filet d’ironie.
Ce que cet homme disait à cette foule, Jean Rumongol voulut le savoir.
Il oublia tout le reste, sa peur même, et s’élança, tête baissée, au cœur des villes englouties, par la première voee qui s’offrait à lui.
VII
Arriva-t-il jusqu’au chanteur, son lointain ancêtre ?
Sut-il comme il se nommait ? si c’était Taliésinn, Marzinn
ou Gwenc’hlan ?… Apprit-il de lui le poème à la fois religieux
et sceptique qui dut, à l’origine, bercer notre
race ? S’endormit-il, après l’avoir écouté, sur une pensée
de confiance ou dans la torpeur résignée du désespoir ?
C’est ce que l’histoire de Jean Rumengol ne révéla jamais.
La vieille femme qui me l’a contée demeure à Port-Blanc,
dans les Côtes-du-Nord. Elle connut en sa jeunesse
le barde cornouaillais, déjà vieux. En guise d’épilogue,
elle ajoutait ceci :
— J’imagine que Jean Rumengol prit son rêve pour une réalité. Il avait le culte de la Bretagne ancienne. Je l’ai vu pleurer, parce qu’il entendait les petits garçons de l’école primaire converser entre eux en français. Il n’ai-