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AUX VEILLÉES DE NOËL

peau de mouton, la braie de berlinge noir serrée au genou et les guêtres en cuir. Tous trois étaient armés : au-dessus de leur épaule le canon d’un fusil pointait. À leur accoutrement et à leur mine, on les reconnaissait sans peine pour des chouans.

— Tenez, maître, continua l’homme qui paraissait être le guide, cette fois j’en suis sûr, nous sommes à la croix de Keralzy… La ferme est à droite… Une centaine de pas, tout au plus,

Ils enfonçaient dans la neige jusqu’à mi-jambes.

Un vague tertre se dessina. L’homme dit :

Motus !… Ce sont les bâtiments.

Ils en firent le tour, d’un pas précautionneux, tâtant les murs pour trouver la porte.

— Voici ! fit le guide & voix basse.

Les deux autres armèrent leurs fusils, après avoir enlevé le mouchoir qui enveloppait la batterie pour la préserver de l’humidité.

La ferme semblait vide.

— L’oiseau aura été prévenu par quelque traître, prononça celui des trois hommes qui n’avait pas encore parlé. Et il aura déguerpi !…

À ce moment, dans un appentis adossé à la maison, une vache meugla.

— S’il avait été prévenu, maître, il aurait amené le bétail, observa le guide.

— En tout cas, frappe !

Le poing de l’homme s’abattit sur les ais de chêne qui rendirent un son sourd, le lugubre gémissement d’une planche de cercueil.

Une voix faible répondit de l’intérieur, en breton :

— Je vais ouvrir.

Un verrou cria, le loquet fut soulevé, et par la porte