Page:Le Braz - Vieilles histoires du pays breton, 1905.djvu/140

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
136
AUX VEILLÉES DE NOËL

quelque artisan, et qui n’a que le travail de ses dix doigts pour subvenir aux frais du voyage.

Celui qui s’avançait de la sorte était Joseph le charpentier, et la femme qui l’accompagnait était Marie, de la race de David. Et si elle était si lasse, si pâle, si exténuée, c’est qu’elle portait dans ses entrailles un fruit que nulle autre mère n’a porté, un enfant qui était un Dieu. Cela, les commères l’ignoraient et, avec elles, le monde entier, les temps n’étant pas encore venus.

Joseph, en passant près d’elles, leur demanda où il trouverait à loger. Elles lui montrèrent la grande hôtellerie du haut de la rue, et Marie, bien doucement, les remercia… Et Joseph de heurter à la porte avec son bâton de voyageur. Il entendit l’hôtelier qui disait à une des servantes :

— On frappe. Allez voir qui est là, mais souvenez-vous qu’il n’y a place que pour qui a dans les poches bruit d’or ou d’argent…

— Hélas ! répondit Joseph à la servante, je n’ai ni or ni argent à offrir à votre maître… Mais dites-lui en quel état est celle-ci qui est ma femme, et peut-être aura-t-il pitié… C’est ici la vingtième porte à laquelle nous frappons : personne n’a voulu de nous. Ce que nous demandons n’est pas grand’chose : une poignée de foin ou de paille et un toit qui nous abrite contre la fraîcheur mauvaise de la nuit…

— Non, non, cria de l’intérieur l’hôtelier, passez votre chemin. Nous n’hébergeons point les vagabonds !

Or, cet homme avait un fils clerc qui se destinait à la prêtrise et qui avait l’âme compatissante. Celui-ci ne put voir la figure honnête de Joseph et les yeux suppliants de Marie sans en être remué. Il dit à son père sévèrement :

— Votre cupidité vous perdra. N’est-ce pas elle déjà