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l’argent que lui rapportait ce trafic clandestin, elle le dépensait, le dimanche, avec des commères, à boire des micamos, des tasses de café noir qu’on noyait d’eau-de-vie.

Elle affectait vis-à-vis d’Adèle, qu’elle nommait la « cheffesse », une sorte d’obséquiosité sournoise, lui faisant, quand elle la rencontrait, des révérences pleines de componction, à la manière des nonnes, mais détournant obstinément la tête pour passer devant le corps de logis que nous habitions, et, si ma femme venait à l’interpeller, rompant tout de suite l’entretien ou n’y répondant que par des monosyllabes.

Au fond, avec le tempérament exclusif et inhospitalier des gens de son île, elle considérait Adèle comme une intruse. C’était assez pour qu’elle la détestât. Mais de plus, je pense, elle la jalousait, parce qu’elle était jolie, fraîche, distinguée, parce qu’elle avait un air de dame, des mains blanches, et que, même sur semaine, elle s’habillait de