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Il se mit lui-même à chantonner :


Me wêl o sével war ar mor[1]

La Notre-Dame de Bon-Voyage n’était plus qu’à une demi-encablure de l’îlot. Brusquement, les vergues s’inclinèrent et la voilure s’abattit, tandis que les Guichaoua s’emparaient des rames, afin d’accoster à l’aviron. Alors, nous vîmes la chanteuse. Elle était debout sur l’avant, le dos au mât. Sa silhouette faisait corps avec celle de la bisquine, semblait en être le couronnement, une de ces figures sculptées, une de ces mythologiques divinités marines qui se dressaient à la proue des anciens vaisseaux. Le reflet du secteur vert, en passant sur elle, l’enveloppa d’une lumineuse buée glauque. Elle me parut Ahès en personne, Ahès, la Messaline des ondes, tout à coup surgie des gouffres du Raz pour son éternelle besogne d’incantation, de luxure et de mort !

  1. Je vois se lever sur la mer…