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Dénès, car tu ne le reverras plus, mon brave, — plus jamais !

Et cette certitude du « jamais plus » me devenait une âpre jouissance, par tout ce qu’elle me faisait découvrir, dans les choses, de grâces secrètes et de pénétrantes douceurs.

Joignez que c’était, selon l’expression bretonne, la « saison bénie », et qu’aucun début de printemps ne se montra plus propice. Chaque matin, le soleil semblait se lever avec moi et, toute la journée, je l’avais pour compagnon. J’en eus d’autres : des pillawers en tournée, des ouvriers « sur le trimard », une colonie de sabotiers qui émigraient, la hache à l’épaule, vers les bois de Cheffontaines, au delà de Quimper. Je leur emboîtais le pas, souvent même je rompais le pain avec eux, et, aux auberges de mi-voie, nous trinquions ensemble.

Le Ier avril, à l’heure de la mer étale, je sautais du quai d’Audierne sur le pont du Ravitailleur.