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et les abords moins riants du Cap, je repris presque goût à l’humanité.

Finie, la randonnée de l’âme défunte ! Je me sentais désormais un passant comme un autre, un passant que rien ne presse et qui muse aux distractions de la route, sûr de trouver bon gîte à l’étape, puisqu’il a le gousset garni. Le parcours était d’une trentaine de lieues : j’avais plus d’une semaine pour le faire et décidai de le faire à pied, tout uniment, non sans quelques crochets à droite, à gauche, histoire de varier les spectacles et de prolonger, comme on dit, le plaisir.

De vrai, ce fut bien un plaisir, quoique d’une essence un peu particulière. Je ne gravissais pas une côte d’où la vue pouvait librement s’étendre, sans me répéter, en regardant derrière moi les houles de pays disparaître et les flèches des clochers s’amincir en pointes d’aiguilles, sans me répéter, dis-je, avec une espèce de contentement sauvage :

— Enfonce-toi cela dans les yeux, Goulven