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durant, elles vieillissaient là, solitaires, assises sur les seuils, à filer de la laine pour les tricots, en attendant les expatriés.

Voilà des années que les Loguiviens ou, comme on dit ici, les Paimpolais, accomplissent périodiquement cet exode vers les eaux de Sein, riches en homards. Ils prennent à l’île leurs quartiers d’été, s’installent par familles chez l’habitant, qui les exploite le plus qu’il peut et les poignarderait volontiers d’une main, tandis qu’il accepte leur argent de l’autre. Les deux populations logent sous les mêmes toits, sans jamais se mêler ni se fondre. On cite un seul exemple de Paimpolais ayant épousé une Ilienne. La parenté de la jeune femme aussitôt la répudia. Son propre frère avait juré sa mort. Elle dut fuir avec son mari, gagner, sans espoir de retour, les rives du Goëlo, où elle ne tarda pas à dépérir de tristesse, de consomption, de nostalgie. Sa dernière parole fut pour supplier l’homme à qui elle s’était